Contrôle de l’IRSN par la Cour des comptes et réponse du Premier ministre au référé.


La Cour des comptes vient de mener un contrôle sur l’IRSN portant sur les exercices 2013 à 2019. Le rapport de ce contrôle ne sera pas rendu public mais la Cour a publié un référé adressé par son Premier président au Premier ministre afin de lui faire part des constatations de la Cour à l’issue de ce contrôle. https://www.ccomptes.fr/fr/documents/57216.

Les constatations formulées par la Cour portent sur les sujets suivants :

1- le financement de l’IRSN et la lisibilité des moyens consacrés à la sûreté nucléaire ;
2- le dispositif de gestion de crise et les compétences en dosimétrie ;
3- l’avenir du réacteur CABRI et du programme d’essais.

En conclusion de ce référé, la Cour a émis trois recommandations.

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Le Premier ministre a répondu à ces constatations et recommandations par une lettre datée du 7 octobre 2021. https://www.ccomptes.fr/fr/documents/57217


1a- le financement de l’IRSN

La Cour alerte sur la baisse des recettes de l’IRSN : baisse de 10 % du budget total entre 2013 et 2019 (1) et diminution prévisible de l’assiette de la taxe sur les installations nucléaires (2).

La Cour estime que l’équilibre entre les recettes et les dépenses s’effectue au détriment de l’investissement (renouvellement des matériels, aménagements et plateformes techniques). Pour atteindre l’équilibre, la Cour note également une réduction de certaines dépenses de fonctionnement et des vacances de postes. En conclusion, la Cour estime que le budget de l’IRSN n’est plus soutenable au regard de ses missions et invite les tutelles à réexaminer la nature et le niveau de ses ressources.

Face à ce constat préoccupant de la baisse du financement de l’institut, le Premier ministre se contente de répondre qu’une « vigilance particulière » sera apportée par le Gouvernement sur les coups de rabot pratiqués en loi de finances et rappelle que la baisse du rendement de la contribution versée par les exploitants nucléaires est compensée depuis la loi LFI 2021 par une subvention équivalente.

Pour le reste, le Premier ministre compte sur les efforts entrepris par l’IRSN pour réduire et mieux maitriser ses dépenses : efforts sur la maitrise des dépenses de fonctionnement, meilleure efficacité de la passation des commandes, travaux d’amélioration dans l’immobilier permettant l’économie d’énergie et la réduction des coûts de maintenance, réduction des dépenses salariales par le plan « Noria ». Le Premier ministre reconnait cependant que l’IRSN doit envisager des économies supplémentaires au regard des priorités de ses missions

(1) les subventions de l’IRSN sont en général à peu près reconduites, en euros constants, mais subissent souvent un coup de rabot annuel en loi de finances : la réduction de budget en six ans atteint environ 20 % en tenant compte de l’inflation alors que les missions ne cessent de croître,

(2) la contribution des exploitants qui baisse est due aux installations nucléaires de base qui sont regroupées ou déclassées après assainissement.

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1b- la lisibilité des moyens consacrés à la sûreté nucléaire

La Cour pointe également, à l’encontre de la Direction du budget de l’État, la mauvaise lisibilité des moyens consacrés à la transparence et au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Dans cette constatation l’IRSN ne semble pas être visé puisque la Cour note que « les documents financiers de l’IRSN incluent une présentation du budget par activités et par missions, qui constitue un outil d’information et de pilotage précieux ». La Cour émet une première recommandation sur ce sujet.

Le Premier ministre se dit défavorable à la recommandation n°1 pour deux raisons :

  1. L’information souhaitée existe déjà et l’ajout d’une annexe à la loi de finances alourdirait encore la documentation budgétaire alors qu’il conviendrait plutôt de rationaliser cette documentation.
  2. le regroupement des crédits alloués à l’ASN, l’ASND et à l’IRSN dans une annexe à la loi de finances donnerait le sentiment d’une unité d’organisation des moyens alloués alors que la France a choisi de dissocier l’autorité chargée du contrôle de la sûreté de son appui technique (qui conduit des recherches et apporte de l’expertise).

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2a- le dispositif de gestion de crise

La Cour note qu’en cas d’incident grave ou d’accident, une liaison informatique reliant chaque centrale nucléaire d’EDF avec le centre de crise de l’IRSN, permet à ce dernier de recevoir des données techniques d’exploitation de l’installation en temps réel, nécessaires à son expertise. La Cour estime que cette transmission automatique des données devrait être exigée des autres exploitants d’installations nucléaires présentant un risque significatif pour la population en cas d’accident et émet la recommandation n°2 en ce sens.

Dans sa lettre de réponse, le Premier ministre évoque ce sujet mais ne se positionne pas sur la recommandation n°2 qui, selon lui, n’a pas pu faire l’objet d’une analyse approfondie et aboutie par le Gouvernement à ce stade. Toutefois, le Premier ministre attire l’attention de la Cour sur les contraintes inhérentes à une telle hypothèse : l’impact pour les exploitants, les investissements et les moyens de fonctionnement supplémentaires de l’IRSN ainsi que les risques de malveillance et de cybercriminalité dans la transmission accrue de données.

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2b- les compétences en dosimétrie

La Cour note que l’IRSN réalise des prestations de service en matière de dosimétrie passive (3) en préparant et expédiant des dosimètres passifs et en assurant ensuite le suivi des doses reçues par les travailleurs porteurs de ces dosimètres. La Cour fait remarquer que cette activité est soumise à la concurrence du marché alors même que les règles de la gestion publique pouvaient représenter un handicap pour l’IRSN sur ce segment d’activité.

La Cour attire l’attention sur l’absence de stock conséquent de dosimètres opérationnels (4) qui se révéleraient indispensables en cas d’accident conduisant à des rejets nucléaires. La Cour estime ainsi nécessaire de constituer un stock national de dosimètres opérationnels, logiquement géré par l’IRSN qui en évaluerait préalablement la taille. La Cour a émis la recommandation n°3 en ce sens.

Dans sa lettre de réponse le Premier ministre passe sous silence la recommandation n°3 concernant la constitution et la gestion d’un stock national de dosimètres opérationnels.

(3) les dosimètres passifs, de la taille d’un badge, mesurent les doses reçues en lecture différée. Ils doivent être traités en laboratoire pour la lecture des doses reçues.

(4) les dosimètres opérationnels, de la taille d’un téléphone portable, sont à lecture immédiate et directe ; la dose reçue s’affiche instantanément sur l’appareil grâce à un affichage numérique.

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3- l’avenir du réacteur CABRI et du programme d’essais.

S’agissant de l’avenir du réacteur et du programme d’essais en cours Cabri, la Cour alerte le Premier ministre sur la dérive considérable en termes de délais et de coûts depuis l’élaboration de ce programme. La Cour estime que la charge financière pour l’IRSN est maintenant trop forte. Elle considère que la pertinence du programme Cabri doit être réévaluée à l’aune de son apport à la recherche scientifique française et à la sûreté nucléaire, et qu’en cas de poursuite, il conviendra de réexaminer les conditions de participation financière de l’IRSN à ce programme.

Curieusement, la Cour n’émet pas de recommandation explicite sur ce sujet important, mais le Premier ministre répond à la Cour. Il partage la position de la Cour sur la nécessité de prendre la décision de poursuivre ou non l’intégralité du programme d’essais prévus et, au-delà, l’exploitation du réacteur au regard de son utilité vis-à-vis de la recherche en matière de sûreté du combustible. Le Premier ministre annonce une décision au plus tard à la fin de l’année 2021.

voir l’article sur l’analyse de la CFE-CGC des réponses du Premier ministre au référé de la Cour des comptes

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