La fin de l’effet report à l’IRSN ?

1- Un rappel de l’effet report

Depuis votre arrivée à l’IRSN, vous entendez parler de l’effet report, notamment à l’occasion des Négociations Annuelles Obligatoires sur les salaires (NAO).

L’effet report résulte de l’application de mesures en cours d’année, qui ne produisent donc pas leur plein effet dans la masse salariale l’année considérée mais produisent leur plein effet l’année suivante.

Dans l’article précédent sur le sujet, nous avons tenté de vous expliquer par l’exemple en quoi consiste cet effet report et notamment son incidence sur le calcul de l’augmentation de la Rémunération Moyenne du Personnel en Place (RMPP) et de la masse salariale.

Quelques idées sont à retenir pour la clarté de cet article :

  1. Une mesure salariale l’année N entraine mécaniquement un effet report à prendre en compte l’année N+1.
  1. Lorsque le report de l’année N sur l’année N+1 est positif (+), son effet est défavorable sur les augmentations attribuées l’année N+1, c’est-à-dire que les augmentations attribuables l’année N+1 ne peuvent pas être aussi importantes que ne le laisse penser le cadrage par Bercy de l’année N à l’année N+1.
  1. L’effet report (à prendre en compte l’année suivante) est nul si les augmentations interviennent le premier jour de l’année ; il est maximal si elles interviennent à la fin du dernier jour de l’année.
  1. Pour une augmentation de la masse salariale donnée, l’employeur peut accorder des augmentations de salaire plus ou moins importantes en fonction de la date d’attribution. Plus la date d’attribution sera tardive et plus les augmentations pourront être importantes, mais plus l’effet report sur l’année suivante sera important et grèvera alors l’augmentation possible l’année suivante.
  1. L’attribution d’une prime l’année N, non reconduite l’année suivante, permet de distribuer de la masse salariale cette année N avec un effet report favorable sur l’année N+1 (effet report négatif dit aussi effet déport).
  1. L’effet report d’une augmentation de salaire attribuée l’année N-1 n’a pas d’incidence sur l’augmentation attribuée l’année N si cette augmentation est identique à celle de l’année N-1 et qu’elle est accordée à la même date. En effet, dans ce cas l’effet report défavorable dû à l’augmentation attribuée l’année N-1 est compensé par l’effet favorable du report vers l’année N+1. (pour donner une image comptable, on pourrait dire que le remboursement de la dette contractée l’année N-1 et remboursable l’année N est couvert pour le crédit ouvert l’année N et remboursable l’année N+1).
  1. Lorsque le cadrage de Bercy diminue de l’année N à l’année N+1 (moins d’argent à distribuer en augmentations ou primes), l’effet report est plus douloureux car les mesures salariales de l’année N+1 doivent tenir compte des augmentations de l’année N qui a été plus généreuse : les augmentations de salaire seront moins élevées que ne le laisseraient penser les chiffres bruts du cadrage.

2- L’histoire de l’effet report à l’IRSN

A sa création, l’IRSN devait se montrer attractif. Le décret relatif à l’IRSN de février 2002 prévoyait en particulier que les salariés pouvaient pendant trois ans opter pour leur maintien dans les effectifs du Commissariat à l’Énergie Atomique. Les augmentations étaient relativement généreuses et l’effet report, bien qu’élevé, était sans incidence car reproduit d’une année sur l’autre.

Les années suivantes (tableau joint), le cadrage des tutelles s’est resserré et les conditions d’augmentation de salaire se sont dégradées mais le respect des accords de grilles cadres et non-cadres a maintenu des augmentations de l’ordre de 2 % par an jusqu’en 2015, avec un effet report de l’ordre de 1 % car les augmentations étaient distribuées à mi-année (1er juillet). Les augmentations individuelles étant toujours distribuées à la même date, l’effet report était de faible incidence.

En 2016, l’effet conjugué du respect strict du cadrage des tutelles réduit fortement à 1,7 % et du report toujours de l’ordre de 1 % (précisément 0,93 %) s’est fait lourdement sentir : une grande proportion de cadres et de non-cadres ne furent pas avancés, ce qui constitua une première à l’IRSN. La Direction décida en outre de distribuer une partie importante des mesures salariales en prime, réduisant encore la possibilité d’attribuer des augmentations. Le faible nombre d’augmentations et le versement conséquent de prime à effet report négatif ont mécaniquement réduit l’effet report à prendre en compte en 2017.

En 2017, le maintien d’un cadrage identique à 1,7 % (année électorale ?) et le report devenu faible (0,3 %) ont permis d’envisager une application des augmentations individuelles plus tôt dans l’année. L’avancement de la date d’application des augmentations permettait de réduire mécaniquement l’effet report à prendre en compte l’année suivante. Pour cette raison, la CFE-CGC avait proposé une application directement au 1er janvier afin de supprimer totalement leur effet report [1]. La Direction et les autres organisations syndicales ont préféré une application au 1er avril ainsi qu’une nouvelle distribution de prime d’un montant significatif.

En 2018, l’effet report global issu des mesures salariales de 2017 s’élevait ainsi seulement à 0,09 %. Il correspondait aux augmentations individuelles distribuées au 1er avril 2017, aux passages ND et à l’augmentation de la prime d’ancienneté d’une grande partie [2] des non-cadres augmentant de 1 % leur salaire à la date anniversaire d’embauche soit en moyenne en milieu d’année. A l’issue des négociations en cours d’année 2018, les partenaires sociaux se sont enfin entendus pour appliquer les augmentations individuelles par effet rétroactif au 1er janvier 2018.

En 2019, l’effet report se limitait donc ainsi uniquement à la prime d’ancienneté (et passages ND [3]) des non-cadres versée en 2018. Cette prime correspond à 0,3 % de la masse salariale des non cadres mais à 0,05 % de la masse salariale totale des cadres et des non-cadres de la grille.

3- La fin souhaitable de l’effet report à l’IRSN

Cet effet report « structurel » (c’est-à-dire dû aux modalités de l’accord) perdurera systématiquement les années à venir, sauf si la prime d’ancienneté des non-cadres est intégrée dans le salaire, à l’occasion de la révision en 2020 de l’accord de grille non-cadre, comme en son temps la prime individuelle des cadres l’avait été en 2008 lors de l’accord de classification des cadres. Ce serait alors la fin de l’effet report structurel à l’IRSN. Il ne resterait éventuellement qu’un effet report conjoncturel et négatif en cas d’attribution de prime par essence non pérenne.

L’effet report complique et brouille le message sur les augmentations salariales. Par souci de clarté et de simplification, la CFE-CGC a toujours souhaité minimiser cet effet même s’il est impossible de le supprimer totalement. L’attribution des augmentations au 1er janvier et le basculement de la prime d’ancienneté dans le salaire permettent d’atteindre cet objectif. Ne resterait alors que l’effet report des primes non-pérennes, a priori de faible incidence et de toute façon favorable car négatif.

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[1] L’effet report de l’année N sur l’année N+1 est mécaniquement nul quand les augmentations individuelles ou générales sont accordées au 1er janvier de l’année N. Toutefois, il existe à l’IRSN d’autres augmentations qui ne sont pas accordées au 1er janvier, notamment les augmentations de passages ND et la prime pérenne d’ancienneté des non-cadres, augmentée de 1 % à la date anniversaire d’embauche soit en moyenne en milieu d’année. Il existe donc toujours un effet report résiduel.

[2] L’accord relatif à la carrière et à la rémunération des salariés non-cadres majore automatiquement le salaire d’1 % par an, après un an de présence effective mais avec un plafond de 21 % atteint donc par les anciens.

[3] L’accord relatif à la carrière et à la rémunération des salariés non-cadres reconnait la promotion en niveau D par une augmentation automatique de 15 points du coefficient de paiement, indépendante des augmentations individuelles octroyées pour l’année considérée.

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